Le Serpent aux mille coupures (Eric Valette - 2017)

Faudra m'expliquer un truc quand même, ça fait des années qu'Eric Valette fait du cinoche de genre (au sens large) en France avec des budgets malheureusement pas ouf mais un vrai sens de la cinématographie et une envie qui dégouline de l'écran, et j'ai l'impression que personne n'en parle jamais de ce gars. Je n'entends jamais son nom nulle part, il n'est jamais cité, rien. Snobisme? Condescendance d'une tranche du public et de la critique (faut lire certains avis sur allociné c'est gratiné) vis à vis d'un des rares bonhommes par chez nous qui tente encore de pondre du fantastique ou du polar à l'ancienne et premier degré? Communication désastreuse?

Parce que Le Serpent aux mille coupures c'est un vrai bon moment de cinoche et je n'en avais absolument jamais entendu parler  Très inspiré de l'ambiance lourde des polars français des années 80, très sombre, très rentre dedans, vous ferez difficilement marcher vos zygomatiques mais par contres les ongles risquent de prendre cher. C'est ce genre de film nocturne qui ressemble à un cauchemar dans lequel les personnages s'enfoncent de plus en plus, bravant un obstacle avant d'en croiser un autre, et un autre, et un autre. Il y a dans ce film une galerie de personnages flirtant sans complexe avec les différents archétypes du genre (le personnage principal à l'identité mystérieuse, le flic dépassé, l'homme de main qui a monté ses stats d'interrogatoire option barbarie au max etc), mais ça fonctionne, le réalisateur parvient sans problème à les mettre en valeur, à les faire se croiser et à mettre en image des confrontations qui marquent.
C'est un plaisir également de voir un metteur en scène capable de raconter des choses sans dialogue, on comprend pas mal de choses sans qu'une parole ne soit dite, avec simplement un regard, un montage intelligent ou un plan bien pensé. A ce titre la séquence finale par ce qu'elle laisse supposer remet en perspective pas mal de choses, et j'adore quand un gars a suffisamment confiance en son art et dans le spectateur pour ne pas tout dire, se contentant de laisser quelques clés ici et là.
Polar noir, western rural, thriller cocaïno-fermier, on pourra coller pas mal d'étiquettes au Serpent aux mille coupures, mais c'est avant tout un très bon film, qui une fois n'est pas coutume prend le risque de délaisser l'imagerie ricaine qu'on nous sert un poil trop souvent au profit de morceaux de campagnes et de province Françaises. J'ai cru lire ici et là que c'était du visuel Louis la Brocante et je comprends mieux pourquoi il n'y a pas de cinoche de genre en France

J'avais revu Maléfique il y a quelques mois ; ça a très bien vieilli. Mais c'est le seul que j'ai vu de lui